mercredi 30 janvier 2013

Tryptique de l'au-delà.


[ Ecriture adapté d'un fait réel: l'affaire Roland Moog à Strasbourg.]

16 mai 2012
17 ans que tu m'as tué.
Que tu nous as tué
Mon fils et moi.
Que ton doigt est venu appuyer sur la détente froide.
Me planter par derrière
Au moment où je m'y attendais le moins.
Me prendre par surprise.
Le coup de grâce.
Salaud, connard !


16 mai 1995
16 mai 2012
17 ans que je vous ai tué
Toi et cet enfant que tu portais.
Toi et cet enfant que tu disais être mon fils.
J'ai tiré
A bout portant
Sans réfléchir
Par surprise
Mon doigt sur la détente
Comme on appuie délicatement sur un interrupteur
Pour plonger une salle dans le noir et le silence.
BAM
Silence.
Et puis rien.
Je revois encore l'image
De ta petite cervelle explosée sur le bitume froid.
J'entends encore tes mots
Se poser sur ta voix.
Retentir
Dans un écho
Un coup de feu. 


Je te quitte.
Je n'avance plus avec toi.
On se détruit
Et on se bouffe.
Cette relation n'est pas saine
Tu le sais.
Ton frère est différent de toi.
Et je veux faire ma vie avec lui.
Je veux élever cet enfant avec l'homme que j'aime.
Tu n'as jamais été là pour moi.
Il a su être là sans toi.
Je n'en peux plus de vivre dans ton ombre.
Je pars.
Je suis désolée.
Espèce de putain.
Me faire ça à moi.
Partir avec lui
Mon frère, mon sang.
Non tu n'allais pas partir
Tu n'aurais pas le dernier mot.
Pas cette fois.
Tu ne seras celle de personne d'autre
Si tu n'es pas mienne.
Alors j'ai tué
Froidement
Lâchement.
J'ai emmuré ton corps
Je me suis muré dans le silence.
Disparition
Ta disparition
Après ton coup de fil au cinéma
L'alibi était en béton
Comme ces murs où tu es
Où vous êtes restés pendant presque 2 ans.


Par ta faute je ne peux plus manger d'huîtres.
Des huîtres
Un verre de vin.
Une cigarette.
Je serais prête à me tuer pour une cigarette.
Merde c'est con ce que je dis.
Me faire ça à moi
Toi qui ne voulait pas de gosses.
Putain qu'est-ce qu'on se fait chier ici.
Alors c'est ça la vie après la mort ?
On est là et il ne se passe jamais rien.
Éternellement.
Un steak-frites
Je donnerais n'importe quoi pour dévorer un steak.
C'est pas sympa ce que tu as fait.


Te déplacer
J'ai du te déplacer
Pour éviter les soupçons.
Te jeter dans une malle
Comme on jette des souvenirs
Des souvenirs qu'on ne veut plus subir
Qu'on aimerait oublier.
Des secrets trop lourds à porter.
Le temps passait et tu n'existais plus.
J'ai pardonné à mon frère
D'avoir aimé cette putain.
Oui toi la putain d'avoir choisi le mauvais frère.
Pardonner
On pardonne toujours tout à celui
Qui pendant 9 mois à été votre moitié.
Mon sang.
9 mois.
275 jours.
6600 heures
396 000 minutes.
9 mois où j'ai été formé avec lui.
9 mois, le temps d'une grossesse.
9 mois ta putain de grossesse.


Papa m'a tué.
Le 16 mai 1995
Oui il m'a tué.
Il m'a coupé le souffle avant même que je respire.
Il m'a tué avant même que je puisse le voir.
C'est dingue, non ?
J’entends encore le bruit strident du coup de feu.
BAM.
Bout portant qu'ils disent.
Maman qui tombe.
Elle ne respire plus.
Je respire de moins en moins.
Puis rien.
Finit la vie avant même qu'elle n'ait commencé.
Fait chier.
J'étais si prêt du but.
Mais comment c'est en bas ?
Vous qui en ce moment-même êtes en train de me lire.
Avoir des souvenirs.
Oui j'aurais tellement voulu avoir des souvenirs.
C'est quoi la vie en-bas ?
C'est comment avant ça ?
Vous avez pitié de moi ?
Vous trouvez ça triste ?
Oh non non non faut pas s'en faire.
Moi vous savez je m'en fous.
Les choses ne peuvent pas nous manquer si on ne les a pas vécues je crois.
Maman dit toujours qu'elle se demandait à quoi ressemblait la vie après la mort.
Moi je dis que j'aurais bien voulu savoir à quoi ressemblait la vie avant ma mort.
Maman pleurait beaucoup au début.
Enfin je crois.
« Connard si j'étais pas déjà morte... » qu'elle disait tout le temps.
Je crois qu'elle en voulait pas mal à papa.
Bon d'un côté ça se comprend hein
Faut pas lui en vouloir à ma mère elle est un peu émotive.
Je crois qu'elle est toujours en colère
En colère contre papa.
Faut vraiment que j'arrête de l'appeler papa.
On appelle pas son meurtrier papa.
Je ne ressens rien.
Je ne sais pas ce qui est bon ou mauvais.
16 mai 2012
Aujourd'hui j'aurais eu 17 ans.
Je ne sais pas ce que c'est que d'avoir 17 ans.
Maman me parle d'années, du temps qui passe
Mais elle voit bien que je ne comprends rien.
Papa m'a tué.
Papa nous a tué.
Non mais vous y croyez vous ?
On ma conçu
J'ai passé 9 mois à me former
On m'a attendu
Et voilà qu'au moment où on devait me pondre
On me stoppe dans ma lancée.
C'est vraiment dégueulasse.
C'est comme si on me claquait la porte au nez
Après m'avoir invité à rentrer.
Quelle impolitesse !
Alors je suis là, à me demander comment c'était.
Maman me raconte parfois sa vie.
Oui elle me raconte comment c'était avant.
Elle me dit qu'elle riait beaucoup.
Elle me parle des saisons
Du soleil qu'elle aimait tant sentir sur sa peau.
Je me dis que ça avait l'air bien.
Sentir le vent souffler sur son visage
La sensation des pieds dans le sable chaud.
Si seulement je pouvais comprendre
Ce que maman me raconte.
Ici je ne l'ai jamais vu sourire.
Jamais non.
Depuis que papa nous a tué
Maman parle très peu.
Depuis que papa nous a tué
Maman ne sourit plus.
Je ne peux pas aimer
Et je ne peux pas haïr
Je ne sais pas ce qui est bon ou mauvais
Ce que c'est que d'avoir des sentiments.
Je n'ai pas eu le temps d'aimer.
Je n'ai pas eu le temps tout court.





J'aurai du te tuer avant
Je savais que j'aurais du le faire.
Appuyer sur la détente pendant ton sommeil.
Quand je pense que j'étais à deux doigts de le faire.
Le flingue posé sur le sommet de ton crâne dégarni.
Ton vieux crâne dégueulasse
Ta gueule qui me dégoûte.
Mais moi ça me gênait.
Pas de te tuer oh non.
Mais c'est qu'un drap plein de sang
C'est difficile à laver
Et encore plus pour une femme enceinte de 9 mois
Qui s'apprête à accoucher.
La vie est mal faite.
Je serais morte
A cause d'une histoire de draps blancs.

Ils ont fouillé dans ma vie privée
Et j'ai baissé ma garde.
Sombre con.
20 mars 1999.
Pourquoi ?
Me dénoncer, moi, son sang
Pour une putain.
Qui fait le bien ?
Qui fait le mal ?
Je devais la tuer
Tuer celle qui se mettait entre nous.
Je ne t'aimais pas.
Oh non en plus de ça je ne t'aimais pas.
Tu me dégoûtais
A me parler de ce bébé.
Et tes chiens
Tes sales chiens que tu aimais plus que ta propre vie.
J'les supportais pas.
Ces aboiements, cette sale odeur.
Fallait toujours que tu les emmènes partout
Ça me foutait des poils dans toute la bagnole.
Sales bêtes
Sales chiens.
Sale chienne.


17 ans que tu m'as tué.
Caprice colérique
Le coup final.
Une brèche osseuse de l'occiput droit.
Tu ne voulais pas d'enfants
Non t'en voulais pas
T'en as jamais voulu.
Tu me noyais de tes belles paroles
Tu faisais ton cinéma sur moi
Un idéal que tu projetais sur nous
Tu m'idéalisais
Comme tes actrices à l'affiche.
Mais tu ne m'aimais pas.
Et je ne t'aimais pas.
Et ça, tu t'en doutais
Tu savais pourquoi j'étais venue ce jour là.
Un autre que toi.
Et cette nuit-là tu n'as pas aimé l'entendre
Tu n'as plus voulu me laisser partir.


J'aimais mon frère
Bien plus que toi
Bien plus que moi.
Une égoïste.
Tu ne pensais qu'à ta gueule.
A manipuler les gens.
Ta cervelle explosée sur ce sol froid
C'est tout ce que tu méritais.
Les gens pensent que j'ai des remords.
Le seul remord que j'ai
C'est de ne pas avoir brûlé tes restes.
Tes foutus restes.
Je te haïs.
Même à six pieds sous terre.


Alors c'est ça l'au-delà ?
On croit au paradis
Et finalement on est là
A compter le temps qui n'existe plus.
Je n'existe plus.
Je ne suis plus rien.
Poussière redevient poussière.
Emmurée dans un silence éternel
Gardant en moi l'enfant qui venait
De celle que tu as osé appeler putain.
Ta putain
Ta pute
Occiput.
Toi qui n'a jamais su aimer
Toi qui n'a jamais su t'aimer.
Une cigarette
Je donnerai n'importe quoi pour une cigarette.
Une cigarette
Faut que j'arrête
Les anges ne fument pas 6 pieds sous terre.
Pourquoi a-t-il ouvert cette malle ?
Putain mais pourquoi ?
Il me pardonnera un jour.
Je le sais, j’attends.
Il me pardonnera
Il lui faut juste du temps
Pour se rendre compte que tu le méritais
Il lui faut juste du temps pour qu'il sache que j'ai fais ça pour lui.
Et après tout redeviendra comme avant.
Il me pardonnera
Il me pardonnera.
Je ne suis pas fou.
Il me pardonnera.
Tu me pardonneras ?
BAM

Calamity J.

mardi 1 janvier 2013

Accroche-toi


Planter la chaire de l'affrontement 
et vider de son sang 
la parole sainte d'un peuple abêti 
qui rend aux bienséances un culte béni.
Le courant des choses, du temps, 
indisponible aux amantes perdues 
qui errent dans les couloirs des ténèbres, isolées du clairvoyant.
Âmes déchues voudraient prendre le dessus.
Mutisme et élitisme,
lutte et pessimisme. 
Isolement et désolation, 
je me met à nue face à toi aliénation, 
le corps enseveli et asservi sur ce sol souillé par les dieux 
où l'on préfère violer que donner l'égalité. 
Nous sommes le purin de Satan, 
les mal baisées, 
les putains de Sappho, 
les mal aimées. 
Désire et désordre. 
Des sires et des ordres. 
Les amantes en colère 
crachent leurs folies amères.

Calamity J.