vendredi 30 août 2013

La fac, le mémoire, tout ça tout ça faut s'y remettre.

 Très peu de pièces de théâtre abordent la thématique de l'homosexualité féminine en France.
Évidemment par terme lesbien j’entends un théâtre écrit par des femmes qui aiment les femmes et qui aborderait une sexualité purement féminine.
L'homosexualité masculine est généralement plus souvent traitée sur scène. J'ai assisté à énormément de pièces de théâtres ces 10 dernières années et à mon grand désespoir je n'ai jamais vu de spectacles parlant explicitement de l'homosexualité féminine (à croire que pour beaucoup cela relève du mythe et de l'inexistence !) contrairement à l'homosexualité masculine que j'ai déjà vu dans plusieurs spectacles (la plus marquante et évidente avait été pour moi Angels in America de Tony Kushner en 2008). Bien évidemment je parle ici de pièces dans le contexte français et n'irais pas affirmer ma pensée au delà des frontières nationales.
Pourquoi l'orientation sexuelle de la femme semble-t-elle si difficilement représentable ? Très certainement parce que le théâtre est un art reflétant notre société qui, encore aujourd'hui, continue à se développer comme majoritairement masculine. Il est donc plus facile d'aborder l'homosexualité masculine sur scène car on continue de cette manière, à laisser l'homme disposer de son corps en toute liberté.
Contrairement à l'homosexualité féminine, être gay pour un homme ne va pas à l'encontre du pouvoir des hommes. Les femmes ont une position beaucoup moins visible et solide que peuvent avoir les hommes dans l'univers du spectacle vivant car le théâtre reflète la société et donc le politique. Une femme est bien plus souvent liée au romanesque, style d'écriture de l'ordre du privé et de l'intime. En étant privé, ce style reste donc lié au mari et donc à la reproduction bien loin d'une mise en scène publique. L'homme dispose donc de son corps sans contester l'ordre patriarcal car qu'un homme soit gay ou non il continuera à rester un homme et donc à faire parti d'une élite identitaire, que certains osent appeler « sexe fort ».
Cependant beaucoup place l'homosexualité masculine comme étant beaucoup plus difficile à accepter que l'homosexualité féminine mais ces deux homosexualités sont-elles à prendre sur un pied d'égalité ?
Quand j'ai commencé à être troublée par ma sexualité et que j'ai commencé à me définir comme étant attirée par les femmes et donc potentiellement homosexuelle, j'ai pu constater des réactions aussi variées qu'hallucinantes : « c'est un phénomène de mode d'être lesbienne de toute façon, ça te passera », « C'est parce que tu n'es pas tombée sur le bon », « Ça me dérange pas que tu sois lesbienne, si ça te dis on peut même se faire un plan à trois », « Si tu te dis lesbienne c'est que tu as forcément eu des problèmes dans le passé avec ton père », « Ça te dis pas avec ta copine de vous embrasser devant moi ? ». Je m'arrêterai là bien que ces réactions pourraient encore continuer sur plusieurs pages.
Une question me taraude : pourquoi beaucoup de gens ne prennent-ils pas au sérieux l'homosexualité féminine ? Au fil des années je me suis bien souvent posée la question. Au début je me disais « tant mieux comme ça au moins on me laissera tranquille. » Et puis finalement au fil des années et des rencontres la réponse a finit par sonner comme une évidence : mais bien sur  si l'homosexualité féminine est beaucoup plus acceptée que l'homosexualité masculine c'est parce qu'il semblerait tout simplement qu'elle n'existe pas !
Les gais ont toujours été (et cela dès l'époque romaine) jugés et punis pour leur acte homosexuel. L'homme devient une cible privilégiée où son orientation sexuelle est considérée comme contre-nature quand celle des femmes est considérée comme de la simple luxure.
Les lesbiennes sont traitées avec indifférences comme si elles n'existaient pas. N'y-a-t-il rien de plus horrible que d'être totalement ignorées ?
Être lesbienne c'est subir non seulement l'oppression d'être une femme mais en plus celle d'être homosexuelle. Aucune loi ne punissait l'homosexualité féminine en France car cela n'était tout simplement pas considéré comme utile et nécessaire. Le plaisir de la femme est souvent vu comme un plaisir insignifiant et non dangereux car la femme ne possède aucun pouvoir dans la société et leur petit « passe-temps » ne brise en rien l'organisation sociale. Il y a une certaine négation des amours féminins qui contraint malheureusement la femme à sombrer dans le silence et à devenir alors invisible. Beaucoup moins violente que l'homophobie masculine, la lesbophobie se cache sous une sorte d'hostilité presque ordinaire où malheureusement elle reste encore aujourd'hui socialement correct.
Silence, invisibilité, inexistence, négation : autant de termes qui placent la lesbienne comme un mythe peu recevable. Il est temps de casser les idées reçues et de mettre à la lumière du jour l'existence réelle et bien présente d'une sexualité purement féminine.

L'image de la lesbienne au sein de notre société a toujours été marginalisée tout comme elle l'est également au sein de la scène, du théâtre.L'homosexualité féminine devient alors une marge dans la marge.
 Le présupposé que le théâtre résiste aux femmes, bien plus que le roman moderne et la poésie lyrique, parce qu'il est lié, comme acte de représentation, à la sphère publique. Destiné à être donné en public, il serait, par la même, plus politique que le reste de la littérature. La politique étant une affaire d'hommes, le théâtre, comme art à la fois littéraire et spectaculaire, serait alors fondamentalement un art masculin. 1

Muriel Plana nous livre dans cette citation la difficulté que peuvent avoir les femmes à trouver leur place dans un univers où le théâtre est considéré comme un lieu masculin et politique. Depuis des siècles et, nous pouvons bien le constater dans le théâtre grec, la scène est le lieu de tous les débats et de toutes les critiques dénonçant les valeurs de la cité et des hommes politiques. Ce n'est qu'à partir des années 1970, après la libération des mœurs et l'émancipation féminine qu'a apporté la révolte de mai 1968, que les femmes commencent à s'imposer en contribuant progressivement à poser leur pierre sur l’édifice de la scène dramatique. Même si bien trop souvent elles continuent à être lier à l'image de " bonne " ou de " prostituée ", ne servant qu'à développer l'érotisme pour le mâle dominant. A l'intérieur même du spectacle vivant, la lesbienne reste toujours liée de prêt ou de loin à la domination masculine. Une femme aimant une femme développe pour beaucoup d'hommes un réel fantasme et la représentation de l'homosexualité féminine a bien souvent été utilisée pour assouvir les désirs d'un homme car après tout à quoi d'autre cela aurait-il pu servir ? On se le demande.
La romancière française Colette, connue pour ses penchants homosexuelles disait : « C'est in d'être lesbienne, c'est mode, c'est snob. » Il semblerait que ce genre d'idées se soient répandu jusqu'à notre siècle où malheureusement bien plus qu'une simple orientation sexuelle, le lesbianisme est considéré comme un phénomène de mode. Ce genre de pensée ne peut que décrédibiliser les lesbiennes et leur sexualité. Pour Colette être lesbienne permettait à la femme de se libérer sexuellement puisqu'elles s'écartaient des modèles « communs » de la sexualité. Mais tachons de ne pas confondre un mode de vie avec une mode ! Tout de même...

En comparant toutes sortes de spectacle en France, on peut largement se rendre compte que le théâtre est le miroir des disparités de notre société actuelle.
En effet nous vivons dans une société patriarcale où la norme n'est autre que l'hétérosexualité et où le pouvoir réside dans le masculin. Dans le cercle privé, bien que ça soit la femme qui gère et organise le foyer, elle n'en est pas moins asservie et dominée, exerçant des fonctions comme leur étant naturellement destinées. Par pouvoir j'entends ce rapport de dominant/dominée établi entre l'homme et la femme, entre le masculin et le féminin poussant la femme à un unique destin : celui de l'ordre biologique. Parce qu'elles sont minoritaires dans la plupart des domaines incluant des responsabilités et des pouvoirs réels, les femmes deviennent majoritairement dominées.
Comment une lesbienne, dont sa condition de femme est déjà vue comme dominée, peut-elle trouver une place dans cette société dite hétérosexuelle ? A qui peut-elle s'identifier pour se construire ?
En effet on ne peut pas dire que l'homosexualité féminine puisse se développer à travers des modèles puisqu'il existe très peu de rôle féminin auquel une lesbienne puisse réellement s'identifier au théâtre.
Les lesbiennes construisent un mode de vie qui va contre celle de l'ordre patriarcal ce qui malheureusement provoque, y compris de la part des femmes hétéros, de l'hostilité, de la discrimination et donc de la lesbophobie.
Bien trop de femmes encore aujourd'hui sont réduites à de simples corps, victimes de propos homophobes violents, d'attaques psychologiques et également physiques poussant parfois jusqu'au viol ou encore au suicide. En allant contre l'ordre patriarcal, les lesbiennes développent au fil des années une culture individuelle communautaire permettant de développer et d'affirmer leur identité au sein d'un groupe socialement identique et donc de se sentir plus fortes et solidaires face à cette société qui tend bien souvent à les isoler. Cependant ce regroupement peut également se retrouver critiquer car en créant une communauté lesbienne, beaucoup affirment se créer un fossé encore plus grand entre les hétérosexuel(le)s et les homosexuel(le)s, enfermant alors leur sexualité dans leur propre ghetto.

Parce que les femmes et les lesbiennes ont beaucoup de mal à imposer des modèles dans la vie sociale et politique, l'art devient une nouvelle méthode d'expression et de revendication.
En créant un théâtre lesbien se crée avant tout un théâtre de femmes. A travers le théâtre de femmes se développent une nécessité et un travail de recherche théâtrale basé sur l'exploration d'un imaginaire féminin et la construction d'une culture féminine. Dans cet imaginaire féminin, il y aurait une volonté de diffuser et de mettre en avant la culture des femmes et dans ma recherche particulièrement, la culture lesbienne. L'homosexualité féminine est un phénomène dont on ne parle pas, et qu'on ne représente pas au théâtre : les lesbiennes sont donc complètement exclues de l'imaginaire dramatique.
Ce théâtre, par son écriture, devient un théâtre du langage et du corps puisqu'il donne la parole à celles qui ont toujours été mises à l'écart.

1MURIEL PLANA, Théâtre et féminin : identité, sexualité, politique, Dijon, Etudes Universitaire de Dijon, 2012, p.18

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