Très peu de pièces de théâtre abordent la thématique de
l'homosexualité féminine en France.
Évidemment par terme lesbien j’entends un théâtre écrit par
des femmes qui aiment les femmes et qui aborderait une sexualité
purement féminine.
L'homosexualité masculine est généralement plus souvent traitée
sur scène. J'ai assisté à énormément de pièces de théâtres
ces 10 dernières années et à mon grand désespoir je n'ai jamais
vu de spectacles parlant explicitement de l'homosexualité féminine
(à croire que pour beaucoup cela relève du mythe et de
l'inexistence !) contrairement à l'homosexualité masculine que
j'ai déjà vu dans plusieurs spectacles (la plus marquante et
évidente avait été pour moi Angels in America de Tony Kushner en
2008). Bien évidemment je parle ici de pièces dans le contexte
français et n'irais pas affirmer ma pensée au delà des frontières
nationales.
Pourquoi l'orientation sexuelle de la femme semble-t-elle si
difficilement représentable ? Très certainement parce que le
théâtre est un art reflétant notre société qui, encore
aujourd'hui, continue à se développer comme majoritairement
masculine. Il est donc plus facile d'aborder l'homosexualité
masculine sur scène car on continue de cette manière, à laisser
l'homme disposer de son corps en toute liberté.
Contrairement à l'homosexualité féminine, être gay pour un homme
ne va pas à l'encontre du pouvoir des hommes. Les femmes ont une
position beaucoup moins visible et solide que peuvent avoir les
hommes dans l'univers du spectacle vivant car le théâtre reflète
la société et donc le politique. Une femme est bien plus souvent
liée au romanesque, style d'écriture de l'ordre du privé et de
l'intime. En étant privé, ce style reste donc lié au mari et donc
à la reproduction bien loin d'une mise en scène publique. L'homme
dispose donc de son corps sans contester l'ordre patriarcal car qu'un
homme soit gay ou non il continuera à rester un homme et donc à
faire parti d'une élite identitaire, que certains osent appeler
« sexe fort ».
Cependant beaucoup place l'homosexualité masculine comme étant
beaucoup plus difficile à accepter que l'homosexualité féminine
mais ces deux homosexualités sont-elles à prendre sur un pied
d'égalité ?
Quand j'ai commencé à être troublée par ma sexualité et que j'ai
commencé à me définir comme étant attirée par les femmes et donc
potentiellement homosexuelle, j'ai pu constater des réactions aussi
variées qu'hallucinantes : « c'est un phénomène de
mode d'être lesbienne de toute façon, ça te passera »,
« C'est parce que tu n'es pas tombée sur le bon », « Ça
me dérange pas que tu sois lesbienne, si ça te dis on peut même se
faire un plan à trois », « Si tu te dis lesbienne c'est
que tu as forcément eu des problèmes dans le passé avec ton
père », « Ça te dis pas avec ta copine de vous
embrasser devant moi ? ». Je m'arrêterai là bien que
ces réactions pourraient encore continuer sur plusieurs pages.
Une question me taraude : pourquoi beaucoup de gens ne
prennent-ils pas au sérieux l'homosexualité féminine ? Au fil
des années je me suis bien souvent posée la question. Au début je
me disais « tant mieux comme ça au moins on me laissera
tranquille. » Et puis finalement au fil des années et des
rencontres la réponse a finit par sonner comme une évidence :
mais bien sur si l'homosexualité féminine est beaucoup plus
acceptée que l'homosexualité masculine c'est parce qu'il semblerait
tout simplement qu'elle n'existe pas !
Les gais ont toujours été (et cela dès l'époque romaine) jugés
et punis pour leur acte homosexuel. L'homme devient une cible
privilégiée où son orientation sexuelle est considérée comme
contre-nature quand celle des femmes est considérée comme de la
simple luxure.
Les lesbiennes sont traitées avec indifférences comme si elles
n'existaient pas. N'y-a-t-il rien de plus horrible que d'être
totalement ignorées ?
Être lesbienne c'est subir non seulement l'oppression d'être une
femme mais en plus celle d'être homosexuelle. Aucune loi ne
punissait l'homosexualité féminine en France car cela n'était tout
simplement pas considéré comme utile et nécessaire. Le plaisir de
la femme est souvent vu comme un plaisir insignifiant et non
dangereux car la femme ne possède aucun pouvoir dans la société et
leur petit « passe-temps » ne brise en rien
l'organisation sociale. Il y a une certaine négation des amours
féminins qui contraint malheureusement la femme à sombrer dans le
silence et à devenir alors invisible. Beaucoup moins violente que
l'homophobie masculine, la lesbophobie se cache sous une sorte
d'hostilité presque ordinaire où malheureusement elle reste encore
aujourd'hui socialement correct.
Silence, invisibilité, inexistence, négation : autant de
termes qui placent la lesbienne comme un mythe peu recevable. Il est
temps de casser les idées reçues et de mettre à la lumière du
jour l'existence réelle et bien présente d'une sexualité purement
féminine.
L'image de la lesbienne au sein de notre société a toujours été
marginalisée tout comme elle l'est également au sein de la scène,
du théâtre.L'homosexualité féminine devient alors une marge dans
la marge.
Le présupposé que le
théâtre résiste aux femmes, bien plus que le roman moderne et la
poésie lyrique, parce qu'il est lié, comme acte de représentation,
à la sphère publique. Destiné à être donné en public, il
serait, par la même, plus politique que le reste de la littérature.
La politique étant une affaire d'hommes, le théâtre, comme art à
la fois littéraire et spectaculaire, serait alors fondamentalement
un art masculin. 1
Muriel Plana nous livre dans cette citation la
difficulté que peuvent avoir les femmes à trouver leur place dans
un univers où le théâtre est considéré comme un lieu masculin et
politique. Depuis des siècles et, nous pouvons bien le constater
dans le théâtre grec, la scène est le lieu de tous les débats et
de toutes les critiques dénonçant les valeurs de la cité et des
hommes politiques. Ce n'est qu'à partir des années 1970, après la
libération des mœurs et l'émancipation féminine qu'a apporté la
révolte de mai 1968, que les femmes commencent à s'imposer en
contribuant progressivement à poser leur pierre sur l’édifice de
la scène dramatique. Même si bien trop souvent elles continuent à
être lier à l'image de "
bonne "
ou de " prostituée ",
ne servant qu'à développer l'érotisme pour le mâle dominant. A
l'intérieur même du spectacle vivant, la lesbienne reste toujours
liée de prêt ou de loin à la domination masculine. Une femme
aimant une femme développe pour beaucoup d'hommes un réel fantasme
et la représentation de l'homosexualité féminine a bien souvent
été utilisée pour assouvir les désirs d'un homme car après tout
à quoi d'autre cela aurait-il pu servir ? On se le demande.
La romancière
française Colette, connue pour ses penchants homosexuelles disait :
« C'est in d'être lesbienne, c'est mode, c'est snob. »
Il semblerait que ce genre d'idées se soient répandu jusqu'à notre
siècle où malheureusement bien plus qu'une simple orientation
sexuelle, le lesbianisme est considéré comme un phénomène de
mode. Ce genre de pensée ne peut que décrédibiliser les lesbiennes
et leur sexualité. Pour Colette être lesbienne permettait à la
femme de se libérer sexuellement puisqu'elles s'écartaient des
modèles « communs » de la sexualité. Mais tachons de ne
pas confondre un mode de vie avec une mode ! Tout de même...
En comparant toutes sortes de spectacle en France, on peut largement
se rendre compte que le théâtre est le miroir des disparités de
notre société actuelle.
En effet nous vivons dans une société patriarcale où la norme
n'est autre que l'hétérosexualité et où le pouvoir réside dans
le masculin. Dans le cercle privé, bien que ça soit la femme qui
gère et organise le foyer, elle n'en est pas moins asservie et
dominée, exerçant des fonctions comme leur étant naturellement
destinées. Par pouvoir j'entends ce rapport de dominant/dominée
établi entre l'homme et la femme, entre le masculin et le féminin
poussant la femme à un unique destin : celui de l'ordre
biologique. Parce qu'elles sont minoritaires dans la plupart des
domaines incluant des responsabilités et des pouvoirs réels, les
femmes deviennent majoritairement dominées.
Comment une lesbienne, dont sa condition de femme est déjà vue
comme dominée, peut-elle trouver une place dans cette société dite
hétérosexuelle ? A qui peut-elle s'identifier pour se
construire ?
En effet on ne peut pas dire que l'homosexualité féminine puisse se
développer à travers des modèles puisqu'il existe très peu de
rôle féminin auquel une lesbienne puisse réellement s'identifier
au théâtre.
Les lesbiennes construisent un mode de vie qui va contre celle de
l'ordre patriarcal ce qui malheureusement provoque, y compris de la
part des femmes hétéros, de l'hostilité, de la discrimination et
donc de la lesbophobie.
Bien trop de femmes encore aujourd'hui sont réduites à de simples
corps, victimes de propos homophobes violents, d'attaques
psychologiques et également physiques poussant parfois jusqu'au viol
ou encore au suicide. En allant contre l'ordre patriarcal, les
lesbiennes développent au fil des années une culture individuelle
communautaire permettant de développer et d'affirmer leur identité
au sein d'un groupe socialement identique et donc de se sentir plus
fortes et solidaires face à cette société qui tend bien souvent à
les isoler. Cependant ce regroupement peut également se retrouver
critiquer car en créant une communauté lesbienne, beaucoup
affirment se créer un fossé encore plus grand entre les
hétérosexuel(le)s et les homosexuel(le)s, enfermant alors leur
sexualité dans leur propre ghetto.
Parce que les femmes et les lesbiennes ont beaucoup de mal à imposer
des modèles dans la vie sociale et politique, l'art devient une
nouvelle méthode d'expression et de revendication.
En créant un théâtre lesbien se crée avant tout un théâtre de
femmes. A travers le théâtre de femmes se développent une
nécessité et un travail de recherche théâtrale basé sur
l'exploration d'un imaginaire féminin et la construction d'une
culture féminine. Dans cet imaginaire féminin, il y aurait une
volonté de diffuser et de mettre en avant la culture des femmes et
dans ma recherche particulièrement, la culture lesbienne.
L'homosexualité féminine est un phénomène dont on ne parle pas,
et qu'on ne représente pas au théâtre : les lesbiennes sont
donc complètement exclues de l'imaginaire dramatique.
Ce théâtre, par son écriture, devient un théâtre du langage et
du corps puisqu'il donne la parole à celles qui ont toujours été
mises à l'écart.
1MURIEL
PLANA, Théâtre et
féminin : identité, sexualité, politique, Dijon,
Etudes Universitaire de
Dijon, 2012, p.18
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