[ Ecriture adapté d'un fait réel: l'affaire Roland Moog à Strasbourg.]
16
mai 2012
17
ans que tu m'as tué.
Que
tu nous as tué
Mon
fils et moi.
Que
ton doigt est venu appuyer sur la détente froide.
Me
planter par derrière
Au
moment où je m'y attendais le moins.
Me
prendre par surprise.
Le
coup de grâce.
Salaud,
connard !
16
mai 1995
16
mai 2012
17
ans que je vous ai tué
Toi
et cet enfant que tu portais.
Toi
et cet enfant que tu disais être mon fils.
J'ai
tiré
A
bout portant
Sans
réfléchir
Par
surprise
Mon
doigt sur la détente
Comme
on appuie délicatement sur un interrupteur
Pour
plonger une salle dans le noir et le silence.
BAM
Silence.
Et
puis rien.
Je
revois encore l'image
De
ta petite cervelle explosée sur le bitume froid.
J'entends
encore tes mots
Se
poser sur ta voix.
Retentir
Dans
un écho
Un
coup de feu.
Je
te quitte.
Je
n'avance plus avec toi.
On
se détruit
Et
on se bouffe.
Cette
relation n'est pas saine
Tu
le sais.
Ton
frère est différent de toi.
Et
je veux faire ma vie avec lui.
Je
veux élever cet enfant avec l'homme que j'aime.
Tu
n'as jamais été là pour moi.
Il
a su être là sans toi.
Je
n'en peux plus de vivre dans ton ombre.
Je
pars.
Je
suis désolée.
Espèce
de putain.
Me
faire ça à moi.
Partir
avec lui
Mon
frère, mon sang.
Non
tu n'allais pas partir
Tu
n'aurais pas le dernier mot.
Pas
cette fois.
Tu
ne seras celle de personne d'autre
Si
tu n'es pas mienne.
Alors
j'ai tué
Froidement
Lâchement.
J'ai
emmuré ton corps
Je
me suis muré
dans
le silence.
Disparition
Ta
disparition
Après
ton coup de fil au cinéma
L'alibi
était en béton
Comme
ces murs où tu es
Où
vous êtes restés pendant presque 2 ans.
Par
ta faute je ne peux plus manger d'huîtres.
Des
huîtres
Un
verre de vin.
Une
cigarette.
Je
serais prête à me tuer pour une cigarette.
Merde
c'est con ce que je dis.
Me
faire ça à moi
Toi
qui ne voulait pas de gosses.
Putain
qu'est-ce qu'on se fait chier ici.
Alors
c'est ça la vie après la mort ?
On
est là et il ne se passe jamais rien.
Éternellement.
Un
steak-frites
Je
donnerais n'importe quoi pour dévorer un steak.
C'est
pas sympa ce que tu as fait.
Te
déplacer
J'ai
du te déplacer
Pour
éviter les soupçons.
Te
jeter dans une malle
Comme
on jette des souvenirs
Des
souvenirs qu'on ne veut plus subir
Qu'on
aimerait oublier.
Des
secrets trop lourds à porter.
Le
temps passait et tu n'existais plus.
J'ai
pardonné à mon frère
D'avoir
aimé cette putain.
Oui
toi la putain d'avoir
choisi
le
mauvais frère.
Pardonner
On
pardonne toujours tout à celui
Qui
pendant 9 mois à été votre moitié.
Mon
sang.
9
mois.
275
jours.
6600
heures
396
000 minutes.
9
mois où j'ai été formé avec lui.
9
mois, le temps d'une grossesse.
9
mois ta putain de grossesse.
Papa
m'a tué.
Le
16 mai 1995
Oui
il m'a tué.
Il
m'a coupé le souffle avant même que je respire.
Il
m'a tué avant même que je puisse le voir.
C'est
dingue, non ?
J’entends
encore le bruit strident du coup de feu.
BAM.
Bout
portant qu'ils disent.
Maman
qui tombe.
Elle
ne respire plus.
Je
respire de moins en moins.
Puis
rien.
Finit
la vie avant même qu'elle n'ait commencé.
Fait
chier.
J'étais
si prêt du but.
Mais
comment c'est en bas ?
Vous
qui en ce moment-même êtes en train
de
me lire.
Avoir
des souvenirs.
Oui
j'aurais tellement voulu avoir des souvenirs.
C'est
quoi la vie en-bas ?
C'est
comment avant ça ?
Vous
avez pitié de moi ?
Vous
trouvez ça triste ?
Oh
non non non faut pas s'en faire.
Moi
vous savez je m'en fous.
Les
choses ne peuvent pas nous manquer si on ne les a pas vécues je
crois.
Maman
dit toujours qu'elle se demandait à quoi ressemblait la vie après
la mort.
Moi
je dis que j'aurais bien voulu savoir à quoi ressemblait la vie
avant ma mort.
Maman
pleurait beaucoup au début.
Enfin
je crois.
« Connard si
j'étais pas déjà morte... » qu'elle disait tout le temps.
Je
crois qu'elle en voulait pas mal à papa.
Bon
d'un côté ça se comprend hein
Faut
pas lui en vouloir à ma mère elle est un peu émotive.
Je
crois qu'elle est toujours en colère
En
colère contre papa.
Faut
vraiment que j'arrête de l'appeler papa.
On
appelle pas son meurtrier papa.
Je
ne ressens rien.
Je
ne sais pas ce qui est bon ou mauvais.
16
mai 2012
Aujourd'hui
j'aurais eu 17 ans.
Je
ne sais pas ce que c'est que d'avoir 17 ans.
Maman
me parle d'années, du temps qui passe
Mais
elle voit bien que je ne comprends rien.
Papa
m'a tué.
Papa
nous a tué.
Non
mais vous y croyez vous ?
On
ma conçu
J'ai
passé 9 mois à me former
On
m'a attendu
Et
voilà qu'au moment où on devait me pondre
On
me stoppe dans ma lancée.
C'est
vraiment dégueulasse.
C'est
comme si on me claquait la porte au nez
Après
m'avoir
invité
à
rentrer.
Quelle
impolitesse !
Alors
je suis là, à me demander comment c'était.
Maman
me raconte parfois sa vie.
Oui
elle me raconte comment c'était avant.
Elle
me dit qu'elle riait beaucoup.
Elle
me parle des saisons
Du
soleil qu'elle aimait tant sentir sur sa peau.
Je
me dis que ça avait l'air bien.
Sentir
le vent souffler sur son visage
La
sensation des pieds dans le sable chaud.
Si
seulement je pouvais comprendre
Ce
que maman me raconte.
Ici
je ne l'ai jamais vu sourire.
Jamais
non.
Depuis
que papa nous a tué
Maman
parle très peu.
Depuis
que papa nous a tué
Maman
ne sourit plus.
Je
ne peux pas aimer
Et
je ne peux pas haïr
Je
ne sais pas ce qui est bon ou mauvais
Ce
que c'est que d'avoir des sentiments.
Je
n'ai pas eu le temps d'aimer.
Je
n'ai pas eu le temps tout court.
J'aurai
du te tuer avant
Je
savais que j'aurais du le faire.
Appuyer
sur la détente pendant ton sommeil.
Quand
je pense que j'étais à deux doigts de le faire.
Le
flingue posé sur le sommet de ton crâne dégarni.
Ton
vieux crâne dégueulasse
Ta
gueule qui me dégoûte.
Mais
moi ça me gênait.
Pas
de te tuer oh non.
Mais
c'est qu'un drap plein
de
sang
C'est
difficile à laver
Et
encore plus pour une femme enceinte de 9 mois
Qui
s'apprête à accoucher.
La
vie est mal faite.
Je
serais morte
A
cause d'une histoire de draps blancs.
Ils
ont fouillé dans ma vie privée
Et
j'ai baissé ma garde.
Sombre
con.
20
mars 1999.
Pourquoi ?
Me
dénoncer, moi, son sang
Pour
une putain.
Qui
fait le bien ?
Qui
fait le mal ?
Je
devais la tuer
Tuer
celle qui se mettait entre nous.
Je
ne t'aimais pas.
Oh
non en plus de ça je ne t'aimais pas.
Tu
me dégoûtais
A
me parler de ce bébé.
Et
tes chiens
Tes
sales chiens que tu aimais plus que ta propre vie.
J'les
supportais pas.
Ces
aboiements, cette sale odeur.
Fallait
toujours que tu les emmènes partout
Ça
me foutait des poils dans toute la bagnole.
Sales
bêtes
Sales
chiens.
Sale
chienne.
17
ans que tu m'as tué.
Caprice
colérique
Le
coup final.
Une
brèche osseuse de l'occiput droit.
Tu
ne voulais pas d'enfants
Non
t'en voulais pas
T'en
as jamais voulu.
Tu
me noyais de tes belles paroles
Tu
faisais ton cinéma sur moi
Un
idéal que tu projetais sur nous
Tu
m'idéalisais
Comme
tes actrices à l'affiche.
Mais
tu ne m'aimais pas.
Et
je ne t'aimais pas.
Et
ça, tu t'en doutais
Tu
savais pourquoi j'étais venue ce jour là.
Un
autre que toi.
Et
cette nuit-là tu n'as pas aimé l'entendre
Tu
n'as plus voulu me laisser partir.
J'aimais
mon frère
Bien
plus que toi
Bien
plus que moi.
Une
égoïste.
Tu
ne pensais qu'à ta gueule.
A
manipuler les gens.
Ta
cervelle explosée sur ce sol froid
C'est
tout ce que tu méritais.
Les
gens pensent que j'ai des remords.
Le
seul remord que j'ai
C'est
de ne pas avoir brûlé tes restes.
Tes
foutus restes.
Je
te haïs.
Même
à six pieds sous terre.
Alors
c'est ça l'au-delà ?
On
croit au paradis
Et
finalement on est là
A
compter le temps qui n'existe plus.
Je
n'existe plus.
Je
ne suis plus rien.
Poussière
redevient poussière.
Emmurée
dans un silence éternel
Gardant
en moi l'enfant qui venait
De
celle que tu as osé appeler putain.
Ta
putain
Ta
pute
Occiput.
Toi
qui n'a jamais su aimer
Toi
qui n'a jamais su t'aimer.
Une
cigarette
Je
donnerai n'importe quoi pour une cigarette.
Une
cigarette
Faut
que j'arrête
Les
anges ne fument pas 6 pieds sous terre.
Pourquoi
a-t-il ouvert cette malle ?
Putain
mais pourquoi ?
Il
me pardonnera un jour.
Je
le sais, j’attends.
Il
me pardonnera
Il
lui faut juste du temps
Pour
se rendre compte que tu le méritais
Il
lui faut juste du temps pour qu'il sache que j'ai fais ça pour lui.
Et
après tout redeviendra comme avant.
Il
me pardonnera
Il
me pardonnera.
Je
ne suis pas fou.
Il
me pardonnera.
Tu
me pardonneras ?
BAM
…
Calamity J.