dimanche 28 octobre 2012

Quand le corps devient parole.


 En me baladant dans la nébuleuse numérique, en pleine collecte d'informations permettant de gonfler un minimum soit-il le contenu de mon cortex cérébral, voilà que je suis tombée par hasard sur un article qui attira, avec frayeur et fascination, toute mon attention.
Je vais tâcher de vous présenter, tout en développant mon ressenti, Blood Script, oeuvre sanglante engagée, réalisée par une artiste performeuse contemporaine du nom de Mary Coble.



Mais qui est Mary Colbe ?

Mary Coble est une artiste performeuse et photographe qui est née en Caroline du nord aux Etats-Unis. Après avoir étudié à l'université de Caroline du nord, elle part vivre à Washington où elle étudiera la photographie.
Aujourd'hui elle vit et travaille à Copenhague au Danemark. Elle y est également professeur à l'académie d'art à Odense Fionie, au Danemark.
Concernant son travail, Coble s'est produite dans divers milieux d'art que ça soit Brooklyn, Toronto, Copenhague, Washington, Bucarest ou Mexico.


Blood Script : une mutilation engagée.

Coble réalise en 2008 une violente performance intitulée Blood Script et que l'on pourrait traduire littéralement comme Ecriture sanglante.
L'artiste décide de se faire tatouer par Duke Riley (tatoueur) tout le corps avec des mots, plus précisément 75 insultes homophobes que reçoivent quotidiennement les gays et les lesbiennes. C'est ainsi que Coble se retrouve avec des écritures comme « Bitch, monkey, slut, porch, queer, wetback, nigger lover... » tailladées soigneusement sur sa peau.
Cette sanglante création prendra en tout et pour tout 16 heures de travail et de douleurs.
Au moment des tatouages, elle recueillie avec précaution l'empreinte sanglante de ces insultes puis les transposa sur papier qui se transformèrent en écriture inversée.
Toutes ces feuilles de papiers furent ensuite assemblées et exposées au PULSE, Pier 40 à New York.


Mais qu'à voulu dénoncer l'artiste en réalisant cette performance ?
Personnellement le premier ressenti que j'ai eu était un état de choc. Pourquoi cette femme a-t-elle voulu se mutiler, s'infliger cette douleur, s'inscrire à vif et à vie toute cette haine ?
Puis, en analysant plus profondément, j'en suis venu à éprouver une grande admiration et fascination.
Mary Coble crée avec cet acte une dichotomie avec la forme visuelle des mots tatoués (belle forme calligraphiée) et l'horrible sens sémantique qu'ils transmettent.
En réalisant cet acte, Coble tente tout simplement de dénoncer un sujet qui touche encore bien trop de monde : l'homophobie. Lesbienne et féministe activiste, le thème de l'homosexualité reste pour elle un combat perpétuel qu'il ne faut pas abandonner face à cette société discriminatoire.
Coble devient le porte parole de toute une communauté. Elle porte désormais sur et en elle toute cette douleur et ces maux, qu'elle transforme en mots dans une chair à vif, symbole d'un corps et d'une pensée écorchés, mutilés.


En quoi peut-on dire que cet acte est un acte politique ?

Ici, à travers cette performance, l'artiste nous confronte à une problématique de l'ordre du réel. Certes Coble est une artiste mais son art est loin d'être un art du divertissement. La performeuse veut choquer, veut frapper fort. Sommes-nous choquer par cet acte ? Ne devons-nous pas l'être encore plus face aux actes homophobes dont les gens sont victimes au quotidien ?

Cette automutilation fascine et inquiète. L'artiste ne voit pas d'autres issus face à la cruauté et l'injustice sociale homophobe que d'exprimer ses déchirures intérieurs et sa douleur avec son propre sang. L'homophobie fait souffrir, elle crucifie les corps, les torture, les poussant parfois jusqu'à l'acte ultime : la mise à mort du corps à travers le suicide ou le crime.
Mary Coble pose la problématique des normes sociales et des attentes.
L'artiste pousse les autres à envisager de manière critique leurs réactions et interactions face aux enjeux sociaux de l'injustice. La thématique du corps est sujet permanent dans son travail. Thématique marquée par un corps, un physique qu'elle pousse vers des voies nouvelles, extrêmes, celles de la découverte et de la dénonciation.

Par l'art et par cet acte, Mary Coble crée un effet de choc et tente de marquer les esprits et les corps des regardeurs dans l'espoir de réveiller en eux un ensemble de désirs et d'aspirations permettant de les libérer et peux-être de rêver à l'émergence d'un monde meilleur et différent.
L'homophobie reste aujourd'hui encore un sujet douloureux et beaucoup d'actes politique sont réalisés pour dénoncer cette discrimination qui porte atteinte à l'égalité des droits pour tous.
Bien sûr que la performance réalisée par Mary Coble ne fera pas radicalement changer le monde, mais en dénonçant ce problème, elle pose ainsi clairement un acte de lutte social dans le but de faire réagir un public face aux inégalités sociales, politiques, juridiques et culturelles.
L'homophobie est un sujet qui pourrait toucher n'importe quelle personne dans le monde. C'est un combat perpétuel et quotidien au cœur de chaque citoyen. Coble est homosexuelle, elle est donc concernée par ce sujet. C'est tout naturellement qu'elle décide de prendre partie et de défendre ses convictions.

Blood script possède une dimension politique puisque cette performance permet de prendre en charge un nouveau type de lutte dans l'art. Celui d'un art féministe dénonciateur des minorités sexuelles. Ici l'artiste tente d'échapper à l'oppression en exposant son corps. Un corps violenté, marqué par la domination et la pression sociale. Coble devient la dominatrice d'un mal universel et expose son corps comme manifestation d'une violence quotidienne.
Cette féministe se bat pour promouvoir le droit des homosexuels et leurs intérêts dans la société civile.

Le féminisme revendique le contrôle de leur corps par les femmes tout comme Mary Coble prend le contrôle ici de son propre corps.
Il y a un énorme travail autour de l'objectivation du corps par rapport au pouvoir, et le droit qu'un être humain puisse avoir de son propre corps. A la manière d'un combat pour l'égalité des sexes, l'artiste tente de dénoncer le problème quotidien discriminant de la question du droit à choisir son orientation sexuel. Comme bon nombre de performeurs, elle tente de poser les limites de la société en essayant de choquer et de provoquer.


Pour conclure je dirais que Mary Coble veut interroger le regardeur sur le débat social et culturel de l'identité sexuelle.
A travers cet art du corps et d'auto-mutilation elle développe un parallèle entre la connaissance de soi et le monde à travers les extrêmes du corps humain.
L'aspect performatif donne la parole directement à Mary Coble qui déstructure les notions populaires de la société patriarcale.
L'artiste repousse les limites de l'art et du corps au service d'une cause, l'homophobie.
Elle dénonce l'injustice sociale, en portant sur son corps le poids et les maux/mots d'une minorité en souffrance.

Calamity J.


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