En me baladant dans la nébuleuse
numérique, en pleine collecte d'informations permettant de gonfler
un minimum soit-il le contenu de mon cortex cérébral, voilà que je
suis tombée par hasard sur un article qui attira, avec frayeur et
fascination, toute mon attention.
Je vais tâcher de vous présenter,
tout en développant mon ressenti, Blood Script, oeuvre
sanglante engagée, réalisée par une artiste performeuse
contemporaine du nom de Mary Coble.
Mais qui est Mary
Colbe ?
Mary Coble est une artiste performeuse
et photographe qui est née en Caroline du nord aux Etats-Unis. Après
avoir étudié à l'université de Caroline du nord, elle part vivre
à Washington où elle étudiera la photographie.
Aujourd'hui elle vit et travaille à
Copenhague au Danemark. Elle y est également professeur à
l'académie d'art à Odense Fionie, au Danemark.
Concernant son travail, Coble s'est
produite dans divers milieux d'art que ça soit Brooklyn, Toronto,
Copenhague, Washington, Bucarest ou Mexico.
Coble réalise en 2008 une violente
performance intitulée Blood Script et que l'on
pourrait traduire littéralement comme Ecriture sanglante.
L'artiste décide de se faire tatouer
par Duke Riley (tatoueur) tout le corps avec des mots, plus
précisément 75 insultes homophobes que reçoivent quotidiennement
les gays et les lesbiennes. C'est ainsi que Coble se retrouve avec
des écritures comme « Bitch, monkey, slut, porch, queer,
wetback, nigger lover... » tailladées soigneusement sur sa
peau.
Cette sanglante création prendra en
tout et pour tout 16 heures de travail et de douleurs.
Au moment des tatouages, elle
recueillie avec précaution l'empreinte sanglante de ces insultes
puis les transposa sur papier qui se transformèrent en écriture
inversée.
Toutes ces feuilles de papiers furent
ensuite assemblées et exposées au PULSE, Pier 40 à New York.
Mais qu'à voulu dénoncer l'artiste
en réalisant cette performance ?
Personnellement le premier ressenti que
j'ai eu était un état de choc. Pourquoi cette femme a-t-elle voulu
se mutiler, s'infliger cette douleur, s'inscrire à vif et à vie
toute cette haine ?
Puis, en analysant plus profondément,
j'en suis venu à éprouver une grande admiration et fascination.
Mary Coble crée avec cet acte une
dichotomie avec la forme visuelle des mots tatoués (belle forme
calligraphiée) et l'horrible sens sémantique qu'ils transmettent.
En réalisant cet acte, Coble tente
tout simplement de dénoncer un sujet qui touche encore bien trop de
monde : l'homophobie. Lesbienne et féministe activiste, le
thème de l'homosexualité reste pour elle un combat perpétuel qu'il
ne faut pas abandonner face à cette société discriminatoire.
Coble devient le porte parole de toute
une communauté. Elle porte désormais sur et en elle toute cette
douleur et ces maux, qu'elle transforme en mots dans une chair à
vif, symbole d'un corps et d'une pensée écorchés, mutilés.
Ici, à travers cette performance,
l'artiste nous confronte à une problématique de l'ordre du réel.
Certes Coble est une artiste mais son art est loin d'être un art du
divertissement. La performeuse veut choquer, veut frapper fort.
Sommes-nous choquer par cet acte ? Ne devons-nous pas l'être
encore plus face aux actes homophobes dont les gens sont victimes au
quotidien ?
Cette automutilation fascine et
inquiète. L'artiste ne voit pas d'autres issus face à la cruauté
et l'injustice sociale homophobe que d'exprimer ses déchirures
intérieurs et sa douleur avec son propre sang. L'homophobie fait
souffrir, elle crucifie les corps, les torture, les poussant parfois
jusqu'à l'acte ultime : la mise à mort du corps à travers le
suicide ou le crime.
Mary Coble pose la problématique des
normes sociales et des attentes.
L'artiste pousse les autres à
envisager de manière critique leurs réactions et interactions face
aux enjeux sociaux de l'injustice. La thématique du corps est sujet
permanent dans son travail. Thématique marquée par un corps, un
physique qu'elle pousse vers des voies nouvelles, extrêmes, celles
de la découverte et de la dénonciation.
Par l'art et par cet acte, Mary Coble
crée un effet de choc et tente de marquer les esprits et les corps
des regardeurs dans l'espoir de réveiller en eux un ensemble de
désirs et d'aspirations permettant de les libérer et peux-être de
rêver à l'émergence d'un monde meilleur et différent.
L'homophobie reste aujourd'hui encore
un sujet douloureux et beaucoup d'actes politique sont réalisés
pour dénoncer cette discrimination qui porte atteinte à l'égalité
des droits pour tous.
Bien sûr que la performance réalisée
par Mary Coble ne fera pas radicalement changer le monde, mais en
dénonçant ce problème, elle pose ainsi clairement un acte de lutte
social dans le but de faire réagir un public face aux inégalités
sociales, politiques, juridiques et culturelles.
L'homophobie est un sujet qui pourrait
toucher n'importe quelle personne dans le monde. C'est un combat
perpétuel et quotidien au cœur de chaque citoyen. Coble est
homosexuelle, elle est donc concernée par ce sujet. C'est tout
naturellement qu'elle décide de prendre partie et de défendre ses
convictions.
Blood script possède
une dimension politique puisque cette performance permet de prendre
en charge un nouveau type de lutte dans l'art. Celui d'un art
féministe dénonciateur des minorités sexuelles. Ici l'artiste
tente d'échapper à l'oppression en exposant son corps. Un corps
violenté, marqué par la domination et la pression sociale. Coble
devient la dominatrice d'un mal universel et expose son corps comme
manifestation d'une violence quotidienne.
Cette féministe se bat pour promouvoir
le droit des homosexuels et leurs intérêts dans la société
civile.
Le féminisme revendique le contrôle
de leur corps par les femmes tout comme Mary Coble prend le contrôle
ici de son propre corps.
Il y a un énorme travail autour de
l'objectivation du corps par rapport au pouvoir, et le droit qu'un
être humain puisse avoir de son propre corps. A la manière d'un
combat pour l'égalité des sexes, l'artiste tente de dénoncer le
problème quotidien discriminant de la question du droit à choisir
son orientation sexuel. Comme bon nombre de performeurs, elle tente
de poser les limites de la société en essayant de choquer et de
provoquer.
Pour conclure je dirais que Mary Coble
veut interroger le regardeur sur le débat social et culturel de
l'identité sexuelle.
A travers cet art du corps et
d'auto-mutilation elle développe un parallèle entre la connaissance
de soi et le monde à travers les extrêmes du corps humain.
L'aspect performatif donne la parole
directement à Mary Coble qui déstructure les notions populaires de
la société patriarcale.
L'artiste repousse les limites de l'art
et du corps au service d'une cause, l'homophobie.
Elle dénonce l'injustice sociale, en
portant sur son corps le poids et les maux/mots d'une minorité en
souffrance.
Calamity J.
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